Rayonnants

Chants : ARC 146, 1.3.4.5  ; 523  ; 608  ; 320, 1.2.5.6
Lectures : AT : Gen. 28, 10-19a
Epître : Rm 8, (12-13)14-17 Évangile : Lc. 17, 11-19
PR : 1Thess 1, 2-10

Il y en a qui ont de grosses chevilles, là. Paul et ses compagnons chantent les louanges des Thessaloniciens, de leur foi active, de leur amour qui se met en peine, de leur persévérante espérance. Certes, ils remettent tout cela dans son cadre  : « cela nous vient du Seigneur Jésus-Christ qui vous a choisis ». Ils sont bien contents aussi de leur propre réussite, que leur prédication n’est pas restée parole, mais qu’elle est devenue puissance, action de l’Esprit Saint, et merveilleux accomplissement. Tout ce dont rève un prédicateur quand il monte en chaire, et encore plus un catéchète ou un moniteur d’École Biblique quand il prépare ses séances de KT. Et, ajoute Paul, nous sommes bien contents que cela nous est arrivé chez vous, que c’est en votre faveur que notre parole est devenue puissante. –
C’est déjà plein de bonnes choses, en quelques lignes de lettre seulement. Examinons un peu notre situation à cette lumière. Certes, il n’y a pas de Paul qui a passé par ici, mais il y a eu, et il y a encore des prédicateurs, pasteurs ou non, qui annoncent l’Évangile de Jésus-Christ. Qu’en est-il de notre communauté  ? Je vais poser les questions, mais je ne donnerai pas les réponses – ni oui, pour ne pas inciter à la paresse, ni non, pour ne pas rendre triste.
Est-ce que notre foi est active, a-t-elle des conséquences sur notre vie de tous les jours  ? En quoi la foi en Christ change-t-elle notre façon d’être  ? Est-ce que notre amour se met en peine, est-ce que nous sommes aux petits soins pour ceux et celles qui en ont besoin, en leur étant serviables et non pas juges, en nous mettant à leurs pieds et non pas en laissant tomber l’aumône de haut  ? Qu’en est-il de notre espérance, est-elle persévérante, ou est-elle fragile et rapidement ébranlée, effarouchée et furtive  ? Que chacun s’examine, dans le silence de sa conscience, et selon les cas, que nous rendions grâces au Seigneur pour ses bienfaits, ou que nous l’implorons de fortifier nos cœurs selon sa volonté.
Mais – eh oui, il y a un mais, et pas des moindres. Supposons que notre petite communauté mérite les mêmes louanges pour sa foi, son amour, son espérance que celle des Thessaloniciens. Cela est loin quand même de suffire, car ce qui compte pour l’apôtre, n’est guère évoqué jusque là. « Vous nous avez imités », écrit-il. Vous êtes devenus des multiplicateurs de la joie de l’Évangile, de la joie de la Bonne Nouvelle du Christ, vous avez rayonné de votre foi et de votre espérance bien au-delà des limites de votre ville, bien plus loin que les murs de votre salle de réunion. Plus loin même que votre province, on vous connaît, on parle de votre joie de trouver l’amour de Dieu en Christ. Vous êtes des modèles pour tous.
Peut-on dire pareil de nous  ? Je vais m’aventurer sur un terrain que d’habitude je n’aime pas trop  : celui de la croissance d’Église. Si vous ne l’avez encore jamais entendu, tant mieux, mais je vais vous dire en deux phrases de quoi il s’agit  : de méthodes, de programmes pour susciter une croissance d’Église. En gros, on vous dit « faites ceci et cela, et votre paroisse grandira, vous aurez de plus en plus de monde aux cultes et aux réunions paroissiales. » Sauf que ça ne marche pas. Que c’est peut-être du bon marketing – disons en français, de la bonne publicité – et bien des trucs qui plaisent et qui font que les gens disent, « chouette, j’y retournerai. » Mais quand on regarde de près ce qu’ils racontent aux intéressés, on peut prendre peur. Car soit ils racontent que c’est chouette d’être chrétien et qu’il n’y a pas de vie plus agréable que celle d’un chrétien, soit ils font partie de ces gens qui ont réponse à tout, et qui plus est, une réponse facile et simple. Or, les gens qui ont réponse à tout et qui vous promettent le ciel et la terre, et qui vous disent qu’ils ont réfléchi à votre place, ce sont des menteurs, des gourous ou encore des politiciens.
Eh bien, j’espère que vous n’êtes pas ici ce matin parce que quelqu’un vous aurait promis la prospérité économique par le Christ ou la réponse à toutes vos questions – car je ne peux pas réaliser ces promesses, ni personne d’autre d’ailleurs. Et Jésus, qui ne nous a pas fait cette promesse, ne l’accomplira pas non plus. Ce qu’il nous a offert, c’est une vie autre, sous une lumière autre, régie par d’autres conditions.
Or, si ce n’est pas par de grandes promesses de prospérité ou de la pierre philosophale ou encore de la réponse cosmique à toutes nos questions, comment faire grandir notre communauté  ? Eh bien, c’est la fausse question. La bonne question, c’est  : comment annoncer l’Évangile  ? Et cette question-là, les Thessaloniciens se la sont posée. Ils ont témoigné sans cesse de cette foi qui n’enlève pas les problèmes, mais qui leur permet de les vivre autrement. Ils ont témoigné de l’espérance qui les porte quand tout espoir se perd. Ils ont vécu l’amour du prochain en reflet de l’amour de Dieu le Père et de Jésus-Christ qui les anime. En d’autres mots, ils ont suivi l’inspiration de l’Esprit Saint. C’est tout aussi simple que ça – et tout aussi complexe.
Ils ont suivi l’exemple de Paul. Dans leur vie comme dans la sienne, et peut-être aussi dans la vôtre, tout a commencé par un message auxquels ils ne s’attendaient pas. Ils ont accueilli Paul chez eux, ils l’ont écouté parler, et ce qu’il disait leur parlait. Et maintenant, ils attendent le retour du Christ, et toute leur vie est imprégnée du Christ. Ils n’ont pas de programme de croissance de paroisse. Ils n’ont pas de manager qui les organise pour optimiser leurs actions. Tout cela, ils n’en ont pas besoin. Ils n’ont d’outils qu’eux-mêmes, de méthode que leur vie quotidienne, et de manager que le Christ. Alors, il se peut que c’est plus difficile de vivre notre foi de façon quasi publique, alors qu’on n’arrête pas de nous baratiner de la religion qui n’aurait de place que dans le privé. Mais qui aurait promis que ce sera simple  ? Par contre, vivre en chrétien intérieurement et en séculier pour tout le monde, est-ce que c’est vivable  ? Est-ce qu’on peut être brebis en portant une tête de loup  ? Je crois que beaucoup l’essaient, peut-être même sans s’en rendre compte. C’est un peu comme ce que vivent ces lépreux dont nous avons lu, qui ont une rencontre magnifique avec Jésus mais qui retournent vite dans leurs habitudes. Mais quelle joie pour le dizième qui se défait de l’obligation de voir les prêtres, qui préfère retourner auprès de Jésus pour le remercier  ! Je n’oserais pas dire que Jésus n’était pas devenu important pour les neuf, mais le revenant, lui, en rayonnait.
C’est la promesse que je peux vous faire  : si vous vous laissez prendre entièrement par le Christ, sans réserves, sans clause de sécurité – vous ne le regretterez pas. Il se peut que la vie ne devienne pas plus facile. En même temps, vous ne courez pas le risque de poursuites judiciaires pour foi chrétienne. Mais je peux vous dire que le fait de vivre selon la seule norme « qu’est-ce qui ferait plaisir à Jésus ? » est énormément libératrice. D’ailleurs je viens d’apprendre que le pasteur Youcef Nadharkhani, qui était condamné à la peine capitale parce qu’il est chrétien, et dont je vous ai déjà parlé et qui est sur les listes de prière de l’ACAT, vient d’être libéré.
Je veux donc vous encourager à vivre 100% Christ. Sans retenue, sans faire de faux compromis. Vivez en Christ, vivez en liberté. Vous en serez heureux.
Et qui sait, peut-être dirons-nous dans quelques années que les chrétiens de Saint-Palais et Breuillet, Vaux-sur-Mer et Saint-Augustin-sur-Mer et Saint-Sulpice-de-Royan étaient des modèles de foi pour leurs frères, bien au-delà de leur paroisse, bien au-delà du secteur et de la Saintonge, au-delà du département et au-delà de la Région Ouest. Mais là, ce n’est pas le but de la chose, ce serait juste une conséquence, et seulement si Dieu le veut.
Les Romains connaissaient Janus, qui a deux figures sur sa tête et montre toujours celle qui lui paraît adaptée à la situation. Sommes-nous des Janus, chrétiens par-ci, gens normaux par-là  ? Ah, que nous arrivions à nous défaire de notre double face, que nous soyons entièrement disciples du Christ  ! Que Dieu nous en donne le courage !
Amen.